Je me cogne à la foule. Je ne suis plus qu'une plaie ouverte, une douleur lancinante. Mon corps entier se résume au feu de mes entrailles. Les plaies dans ma chair comme une trouée vers les cieux. Perdue dans la douleur, perclue de douleur, abandonnée de vos errances, j'accepte vos frustrations d'anges déchus. Vos déceptions d'hommes castrés. Vos manquements et votre lâcheté. Vos actes manqués. Vos peurs et vos pleurs. Ma peine n'est que le reflet de vos espoirs flétris. Et vos braillements, que je ne sais plus, que je ne sais pas.
Mais si! J'ai su. J'ai su vos yeux lourds d'inachevés, j'ai vu vos mornes abdications, j'ai bu vos ineffables aspirations. Ma pénitence.
Je me heurte à la foule. Froide des urines de sa vie fanée. Puante aussi. Je suis vivant, c'est mon seul péché. Debout devant vos âmes ternes. J'assume vos désirs inexprimés. Je nais dans vos envies éteintes. Je porte le poids de vos maux quand vous courbez sous les fouets de la culpabilité. Et votre jalousie est mon chemin de croix. Les carcasses de vos rêves pavent ma route. Ne croyez pas que je les piétine! Au contraire, j'en savoure chaque contour. Je les enveloppe. Ils m'élèvent. J'envisage vos visages, je dévisage vos paniques et m'en voile la face. Je m'emmitoufle de vos fades personnalités. Et ce reflet vous dégoûte. C'est vous que vous crucifiez sur les murs de l'incompréhension. C'est vous que vous vomissez.
La masse m'efface. Aveugles griffant le vide pour tenter de s'en recouvrir. Pantins! Les quelques mats de laine que vos pleurs ont tissés sont maintenant debout sur la plaine, près à recueillir mes bouts de chair. Qu'est-ce que ca fait d'empaler une plaie? J'ai le flanc qui lance. Et vos yeux aux milles facettes viennent butiner mes entrailles pour se repaître de ma substance. Croyez vous ainsi assimiler ma sagesse? Vos clameurs de païens cannibales lapident mon foie. Implorez tant que vous le pouvez, ma vie ne tient pas à ces fils de viande. Qu'importe votre croyance, je ne vous renvoie que vos propres échecs, vos défaites et vos malheurs. Vous faites de moi votre martyr pour exorciser l'insuffisance de vos esprits amputés et de vos soifs baillonées, pour pallier vos manquements d'âmes mutilées. Sacrifiée sur l'autel de vos vies(de) ratées, sanctifiée par votre médiocrité.
 
15/06/08